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Section 1. Les enjeux liés au fonctionnement institutionnel del'Union Européenne
Parce qu'elle a des objectifs très ambitieux, l'Union dispose de nombreuses institutions, trop pour certains (§ 1). Mais la multiplicité des institutions communautaires n'est pas la source principale de difficultés pour l'Union. C'est surtout leur fonctionnement qui est complexe (§ 2).
§ 1. La multiplication des institutions communautaires
Nous commenceront par établir un bref aperçu des institutions principales (A) pour ensuite mentionner les autres institutions communautaires (B).
A. Les institutions communautaires principales
Avant d'exposer les quatre institutions prévues par les traités originaires des Communautés européennes : le Conseil, la Commission, le Parlement et la Cour de Justice, il convient d'accorder une place particulière à un organe aujourd'hui institutionnalisé mais qui a été créé par la pratique : le Conseil européen. Cet organe est né de l'habitude prise par les Chefs d'Etats européens de se réunir en sommet dès 1957. L' "officialisation" de la réunion du Conseil européen date du sommet de Paris de 1974 et doit être portée au crédit du président français de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing. Ce n'est cependant qu'en 1987 que le Conseil européen devient une institution puisque l'Acte unique européen l'intègre au nombre des institutions communautaires. Composé des Chefs d'Etats ou de Gouvernement des Etats membres et du Président de la Commission, assistés par les ministres des Affaires étrangères des pays concernés et d'un membre de la Commission, le Conseil européen est l'organe traditionnellement chargé de définir les objectifs poursuivis par l'Union européenne en définissant les orientations à suivre par celle-ci et en veillant à l'existence d'une cohérence entre les différentes politiques suivies par l'Union.
Le Conseil de l'Union européenne (à l'origine, le "Conseil des ministres") et composé de quinze membres délégués par le gouvernement de chacun des Etats membres "au niveau ministériel". En pratique la composition du Conseil va varier en fonction des questions inscrites à l'ordre du jour et sera alors composé des ministres compétents pour traiter de telle ou telle question. Le Conseil a une présidence tournante qui change tous les six mois, chaque pays membre étant amené à l'exercer selon un ordre fixé par l'article 203 CE. Le Conseil est le principal organe de décision de l'Union mais il est également chargé de coordonner les politiques économiques des Etats membres et conclu les accords internationaux au nom de la Communauté.
Le Parlement européen est composé de députés élus tous les cinq ans au suffrage universel direct par les citoyens des pays membres de l'Union. Traditionnellement, le Parlement est un organe de consultation. Il dispose cependant d'un pouvoir important en matière budgétaire, d'un pouvoir de décision dans certains domaines mais qu'il partage toujours avec le Conseil et enfin, il exerce un contrôle sur la Commission dont il approuve la désignation des membres et qu'il peut censurer.
La Commission européenne est l'organe le plus "intégré" de l'ensemble institutionnel. Elle est actuellement composée de vingt membres désignés pour cinq ans, les grands Etats disposant de deux membres, les autres d'un seul. Les membres de la Commission doivent être totalement indépendants de leur Etat d'origine et leur mode de désignation assez complexe fait intervenir les Etats membres mais aussi le Parlement européen et le président de la Commission. Le président de la Commission est choisi par les Chefs d'Etat ou de Gouvernement de l'Union réunis en Conseil européen mais ce choix doit ensuite être approuvé par le Parlement. Le rôle principal dévolu à la Commission est un rôle d'impulsion générale, ce qui se traduit par son pouvoir d'initiative lorsqu'il s'agit d'adopter des actes communautaires. Elle est également considérée comme la gardienne des traités communautaires et dispose de nombreux pouvoirs en matière de concurrence.
La Cour de Justice est composé de quinze juges qui sont assistés de neuf avocats généraux qui sont nommés d'un commun accord par les gouvernements des Etats Membres pour un mandat de six ans renouvelable. Son rôle majeur est d'assurer le respect du droit communautaire tant dans son application que dans son interprétation, que ce soit par les Etats membres ou les institutions communautaires elles-mêmes. Depuis 1989, la Cour s'est vu adjoindre un Tribunal de Première instance qui est aujourd'hui devenue une juridiction à part entière.
B. Les autres institutions communautaires
Parmi ces institutions, figurent des institutions à caractère financier comme la Cour des comptes qui est chargée de contrôler les comptes de l'Union et la Banque centrale européenne qui dispose de larges pouvoirs et d'une indépendance affirmée par rapport aux autres institutions communautaires. On peut mentionner également des organes consultatifs comme le Comité économique et social ou le Comité des régions chargés de faire entendre la voix d'intérêts précis au sein des institutions communautaires. Le Médiateur européen est également un organe important puisqu'il est chargé d'analyser les hypothèses de mauvais fonctionnement des institutions communautaires qui sont portées à sa connaissance par toute personne concernée.
On peut mentionner ici le reproche majeur qui est adressé aux institutions européennes qui, d'après les citoyens de l'Union font la part belle à la "technocratie". Derrière cette accusation se cache une pratique qui est apparue progressivement et qui est le développement d'organes, des comités, qui ne sont pas prévus par les traités de base, liés à la Commission et au Conseil.
La multiplication des institutions communautaires répond d'une manière générale à une volonté d'assurer le meilleur fonctionnement possible de l'ensemble des institutions de l'Union en leur permettant de consulter des organes composés de spécialistes, en créant des comités chargés de les assister ou en vérifiant que ces institutions fonctionnent correctement. Malgré tout, le citoyen européen est parfois dérouté par le grand nombre d'institutions dont il ignore le plus souvent le rôle. Or, confronté à un ensemble institutionnel qu'il estime complexe, la première réaction du citoyen sera la méfiance et celle-ci ne sera qu'accentuée par la plus grande complexité encore qui caractérise le processus décisionnel au sein de l'Union européenne.
§ 2. Une structure institutionnelle unique mais au fonctionnement complexe
Depuis 1967 et l'entrée en vigueur du traité dit de "Fusion des Exécutifs" signé en 1965, les trois Communautés disposent d'une structure institutionnelle unique, c'est-à-dire, d'un seul Conseil, d'une seule Commission, les Communautés disposant depuis 1957 d'un Parlement et d'une Cour de justice uniques. Mais cette unification n'a pas eu pour conséquence une simplification dans le fonctionnement des trois Communautés et de l'Union européenne dans son ensemble. Ainsi, le processus décisionnel ne fera pas forcément intervenir les mêmes institutions aux mêmes conditions selon le domaine dans lequel la décision intervient (A). Par ailleurs, une complexité supplémentaire vient de la juxtaposition des domaines "intégrés" et des domaines fonctionnant sur le mode de la coopération (B).
A. La diversité des procédures décisionnelles
Il faut commencer par souligner que, si ce sont bien les mêmes institutions qui sont chargées de faire fonctionner les trois communautés, ces institutions devront fonctionner selon le mécanisme mis en place par chacun des trois traités de base. En pratique ceci signifie que les règles applicables aux prises de décisions et les organes impliqués dans le processus pourront être différents selon que l'institution agit dans le cadre de telle ou telle communauté.
Le droit communautaire comprend plusieurs sources. Les deux sources principales sont le droit "primaire" qui est issu des traités communautaires appelés "traités de base", C.E.C.A., C.E. et C.E.E.A., et le droit "dérivé" qui est issu de la production normative des institutions communautaires. A l'origine, la procédure d'élaboration du droit dérivé était la suivante : l'initiative de la décision revenait à la Commission, le Parlement européen avait un rôle de consultation et l'acte était ensuite adopté par le Conseil des ministres. Mais déjà à l'origine une procédure particulière était mise en place dans le domaine de la C.E.C.A. puisque c'est la Commission et non le Conseil qui dispose du pouvoir décisionnel. Ce schéma originaire a subi depuis de nombreuses modifications. Ces modifications ont été apportées pour plusieurs raisons.
En premier lieu, les Communautés européennes se voyant sans cesse reprocher un "déficit démocratique", ce sont les prérogatives du Parlement qui ont été renforcées. Ainsi, le Parlement a vu non seulement son rôle d'organe consultatif étendu mais on lui a également accordé le pouvoir de rendre des avis conformes dans certains domaines. Enfin, le Parlement dispose désormais d'un pouvoir de décision commun avec le Conseil pour l'adoption d'actes relatifs à la mise en œuvre de certaines politiques communautaires en plus du pouvoir de décision en commun avec le Conseil en matière budgétaire qui lui avait été reconnu dans les années 1970.
En deuxième lieu, la pratique a fait apparaître une grande hypothèse de cas dans lesquels le Conseil a délégué son pouvoir de décision à la Commission. Cependant, il faut tout de suite souligner que ces délégations ne concernent que l'adoption de mesures d'application de décisions adoptées par le Conseil lui-même, c'est-à-dire de mesures d'exécution.
Enfin, en troisième lieu, d'autres organes que ceux précédemment mentionnés se sont vu accorder un pouvoir de décision. C'est le cas de la Banque Centrale Européenne qui dispose d'un tel pouvoir dans le cadre de l'Union économique et monétaire.
A cette première difficulté s'en ajoute une seconde qui est liée à la juxtaposition des domaines "intégrés" et de "coopération".
B. La coexistence de domaines "intégrés" ou de "coopération"
Selon que les Etats Membres auront accepté ou non d'intégrer tel ou tel domaine ou au contraire de le maintenir dans le cadre d'un fonctionnement de coopération, le mode de fonctionnement ne sera pas le même. Ainsi, dans le cadre du premier pilier qui regroupe les trois Communautés, ce sont bien les institutions précitées qui vont prendre les décisions mais selon des modalités différentes en fonction des domaines considérés car, même-là, le degré d'intégration pourra varier en fonction du domaine considéré. Ce degré d'intégration pourra se mesurer en fonction du ou des organes qui auront un poids prépondérant dans la prise de décision. Si c'est le Conseil qui décide seul, alors la décision sera considérée comme faisant davantage application du principe de coopération que si le Conseil doit décider avec le Parlement.
Dans le cadre du deuxième pilier, celui relatif à la PESC, le Conseil de l'Union européenne est habilité par les traités à prendre les décisions qui entrent dans ce domaine mais c'est le Conseil européen, instance intergouvernementale - donc de coopération – qui va fixer les orientations générales de la PESC. Parlement et Commission sont également présent mais ont un rôle très réduit et qui ne se traduit pas, en tout état de cause, par un pouvoir de décision quelconque.
Enfin, le troisième pilier, celui relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale est considéré comme faisant la part la plus importante à la coopération car il implique, en principe, un processus de prise de décision à l'unanimité au sein du Conseil de l'Union européenne. La consultation du Parlement est cependant obligatoire et la Commission dispose, avec les Etats membres, d'un pouvoir d'initiative.
Le manque d'unification qui caractérise le fonctionnement des institutions communautaires vient encore et toujours de la distinction entre les domaines qui fonctionnement sur le principe de l' "intégration", qu'on appelle les domaines "communautarisés" et ceux qui fonctionnent sur le principe de la "coopération" c'est-à-dire ceux pour lesquels les Etats membres ont principalement recours à l'unanimité. Jusqu'au traité d'Amsterdam, on pouvait dire que l'intégration s'appliquait au domaine économique et que la coopération était réservée aux questions politiques. Depuis ce traité ce n'est plus le cas puisqu'une partie du troisième pilier, celle relative aux "Visas, Asile, Immigration et autres politiques relatives à la libre circulation des personnes" a été "communautarisée", c'est-à-dire intégrée dans le premier pilier. C'est ce qui explique d'ailleurs que la "Communauté Economique Européenne" se soit transformée en Communauté Européenne", ce qui ne contribue pas à une simplification de l'ensemble.
Or, l'Union Européenne doit aujourd'hui faire face au plus grand défi auquel elle ait été confrontée jusqu'alors : celui de son élargissement géographique.
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