Les contrôles exercés par ces deux organes vont porter à la fois sur les institutions communautaires (§ 1) et sur les institutions nationales (§ 2).
§ 1. Le contrôle juridictionnel des institutions communautaires
Le contrôle va porter ici à la fois sur les actes des institutions (A) et sur les agissements de ces dernières (B).
A. Les recours contre les actes des institutions
Le principal recours dirigés contre les actes des institutions communautaires est le recours en annulation. Ce recours peut être exercé contre les actes adoptés par la Commission, le Conseil seul ou conjointement avec le Parlement européen, par le Parlement européen et par la Banque centrale européenne. A l'origine, seuls les recours dirigés contre les actes adoptés par le Conseil ou la Commission étaient prévu, mais l'évolution du processus décisionnel et la modification de sa répartition entre les différentes institutions à conduit à étendre le champ d'application du recours en annulation. On peut se demander dans quelle mesure les actes du Conseil européen pourraient également faire l'objet d'un tel recours. La Cour semble rejeter cette hypothèse pour l'instant.
Une seconde condition pour que le recours en annulation puisse être exercé tient à la nature décisoire de l'acte. Sur ce point la Cour a estimé que le recours en annulation est ouvert
à l'égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu'en soient la nature et la forme, qui visent à produire des effets de droit
Cette précision est importante car elle permet de souligner le caractère secondaire de la qualification de l'acte. Ainsi, un acte dénommé "recommandation" peut faire l'objet d'un recours en annulation s'il est prouvé que cet acte, contrairement à une réelle recommandation, a bien une portée juridique.
Les requérants admis à exercer un recours en annulation peuvent être classés en trois catégories : les requérants dits "privilégiés" que sont les Etats, le Conseil et la Commission forment la première catégorie. Le Parlement européen, la Banque centrale européenne et la Cour des comptes, la deuxième. Les particuliers, la troisième. La première catégorie de requérants est dite "privilégiée" car ces derniers non pas à justifier de l'existence d'un intérêt à agir car ils sont considérés de droit comme les "gardiens de la légalité communautaire". Les institutions de la deuxième catégorie ne disposent pas d'un tel privilège mais leur droit d'agir est néanmoins plus étendu que celui des particuliers puisqu'il sont présumés avoir un intérêt à agir contre toute décision qui porterait atteinte à leurs prérogatives.
Seuls les particuliers doivent justifier pleinement d'un intérêt à agir mais la Cour a, sur ce point, une jurisprudence assez souple.
Enfin, il faut souligner l'existence du mécanisme de l'exception d'illégalité qui permet de contester la légalité d'un acte communautaire à l'occasion d'un recours porté devant une juridiction communautaire. L'illégalité de l'acte communautaire est ici utilisée comme moyen de défense.
B. Les recours contre les agissements des institutions
Le recours en carence a pour objet de faire constater une absence d'agissement fautive d'une institution communautaire. L'article 232 C.E. prévoit que
Dans le cas où, en violation du présent traité, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission s'abstiennent de statuer, les Etats membres et les autres institutions de la Communauté [Cour des comptes] peuvent saisir la Cour de Justice en vue de faire constater cette violation.
Ce recours n'est recevable que si l'institution en cause a été préalablement invitée à agir. Si à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de cette invitation, l'institution n'a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois.
Toute personne physique ou morale peut saisir la Cour de Justice dans les conditions fixées aux alinéas précédents pour faire grief à l'une des institutions de la Communauté d'avoir manqué de lui adresser un acte autre qu'une recommandation ou un avis.
La Cour de Justice est compétente, dans les mêmes conditions pour se prononcer sur les recours formés par la BCE dans les domaines relevant de ses compétences ou intentés contre elle.
Le recours en carence ne peut donc être exercé que dans l'hypothèse où l'institution concernée est tenue d'agir, ce qui signifie que le recours sera irrecevable si l'institution concernée dispose d'un pouvoir discrétionnaire.
Le recours en carence étant fondé sur l'absence ou le refus de prise de position d'une institution, il peut donc se transformer en recours en annulation. Ce dernier recours portera alors sur la légalité de la prise de position de l'institution : le recours en carence a pour objet d'amener l'institution à agir mais la légalité de son comportement, de sa prise de position devra être appréciée dans le cadre d'un recours en annulation. Si une carence est constatée par la juridiction communautaire, l'institution en cause aura l'obligation d'adopter les mesures prescrites par cette dernière, la juridiction compétente, peut également, à la demande des requérants, prendre des mesures provisoires en attendant que cesse la carence.
Le recours en annulation connaît la même distinction entre ses requérants que le recours en annulation impliquant ainsi la possibilité pour les Etats membres et les institutions d'exercer un recours contre toute institution dont la carence est alléguée tandis que les particuliers doivent justifier d'une carence qui les concerne directement.
Enfin, les agissements des institutions communautaires pourront faire l'objet d'une action en responsabilité visant à obtenir une indemnisation pour un préjudice causé par l'une d'elles, ou par l'un de ses agents. La Cour a rappelé les conditions d'exercice de cette responsabilité dans un arrêt C.J.C.E., 7 mai 1992, Naviera Laida c. Commission, aff. jointes C-258/90 et C-259/90. D'après la Cour :
l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l' article 215, deuxième alinéa, du traité, est subordonné à la réunion d' un ensemble de conditions en ce qui concerne qui sont l'illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l' existence d' un lien de causalité entre le comportement de l' institution et le préjudice invoqué.
Le délai de recours est de cinq ans à partir de la réalisation du dommage.
§ 2. Le contrôle juridictionnel des institutions étatiques
Le seul recours véritable qui existe et qui permette de contrôler le respect du droit communautaire par les Etats membres est le recours en manquement (A). Cependant, la mauvaise volonté affichée par des organes administratifs mais aussi juridictionnels des Etats membres et notamment de la France permet de s'interroger sur la nécessité d'un contrôle communautaire qui permettrait d'engager la responsabilité des Etats membres pour violation du droit communautaire et non pas seulement d'un contrôle exercé devant les juridictions nationales comme c'est le cas actuellement (B).
A. Le recours en manquement
Le recours en manquement a pour objet de faire constater par la Cour le manquement d'un Etat membre à ses obligations communautaires. La première phase de la procédure est entre les mains de la Commission qui peut être saisie par un Etat ou une personne privée mais qui peut également s' "auto-saisir". En dehors de cette dernière hypothèse, la Commission est saisie par le biais d'une plainte à laquelle elle peut discrétionnairement décider de donner suite.
Si la Commission décide de poursuivre l'affaire, l'Etat devra justifier son comportement. Si les justifications apportées lui paraissent satisfaisantes, la Commission mettra fin à la procédure. Dans le cas contraire elle adoptera, dans un délai de trois mois, un avis motivé qui aura pour conséquence de mettre fin à la première partie de la procédure. L'avis devra alors contenir un délai au cours duquel l'Etat qui fait l'objet de la procédure pourra mettre fin au manquement. A la fin du délai fixé, si l'Etat n'a pas mis fin au manquement, la Commission peut décider, ce n'est pas une obligation, de saisir la Cour. Il ressort de l'article 227 C.E. que le fait que la Commission n'ai pas adopté d'avis dans un délai de trois mois ne fait pas obstacle à la saisine de la Cour. Le recours devant la Cour de Justice est alors entre les mains des autres Etats membres eux-mêmes. En pratique, cependant, c'est la Commission qui saisit la Cour le plus souvent.
Si la Cour constate le manquement elle ne pourra pas obliger l'Etat coupable à adopter telle ou telle mesure, c'est l'Etat lui-même qui doit décider des mesures qu'il estime opportunes pour faire cesser le manquement. Le refus d'un Etat membre de faire cesser le manquement constaté par la Cour pourra à son tour donner lieur à une procédure en manquement. Dans ce cas, et après un délai fixé par la Commission, si l'Etat n'obtempère toujours pas, la Commission pourra établir une sanction pécuniaire qui ne pourra cependant être mise en œuvre qu'après une décision de la Cour de Justice.
B. L'absence de procédure communautaire permettant d'engager la responsabilité des Etats membres pour violation du droit communautaire
L'existence d'une procédure conduisant à la responsabilité des Etats membres pour non-respect du droit communautaire a pour objectif de permettre à des requérants d'obtenir la réparation d'un préjudice qu'ils auraient subi du fait de la violation par un Etat de ses obligations issues du droit communautaire. Le recours à proprement parler est entre les mains des juridictions nationales qui vont elles-mêmes sanctionner les institutions en cause. De ce fait, ce sont donc les dispositions en vigueur dans les Etats membres qui sont applicables, cependant, la Cour de Justice a apporté un certain nombre de précisions qui témoignent d'une volonté d'uniformiser les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité. La solution retenue par la Cour est que ce sont les conditions fixées par le droit national qui s'appliqueront à la mise en œuvre de la responsabilité des Etats, sous réserve que ces conditions ne soient pas moins favorables que celles qui seraient appliquées à des litiges de nature purement interne.
La Cour a également estimé que les juges nationaux ont l'obligation d'indemniser un requérant dont le préjudice aurait été causé par un agissement d'un Etat qui a fait l'objet d'une constatation de
manquement.